DOMINIQUE ZINKPÉ
Si la peinture de Zinkpé est animée d’une vitalité qui confine au rêve éveillé voire au délire, ses dessins sont à peine plus tranquilles. Ils ont la vitalité qui le font bouger tout le temps et partout quand il ne se fige pas dans une posture de caméléon, esprit mythique venu du fin fonds de la mangrove, le regard mobile et chirurgical. Il voit, il sent, il restitue sa vision et ses rêves. Le fantastique et le surréel se mêlent et se démêlent pour se défaire, s’éloigner, s’envoler, danser dans des pas de deux inspirés. La couleur vient alors souligner la force du trait pour se diluer comme dans des vapeurs enivrantes, des effluves opiacés, des volutes de brises marines ou même de petits vortex de latérite.
À l’inverse ou presque, ses sculptures sont architecturées, un peu comme son lieu de vie au pays, avec leur échelle hors norme, dressées pour percer des ciels de villes du futur qui n’existent pas encore. Zinkpé est alors le grand architecte ordonnateur de foules entières de petites statues votives sacrificielles qu’il fait surgir de sols ouverts pour chercher là haut, l’air et la lumière. Ses femmes sont des déesses, avatars d’une autre galaxie, souvent androgynes colorés. Et ses « maisons » enracinées dans la force tutélaire d’hommes d’un autre âge sont des promesses de termitières. Les rares niches sont des fenêtres percées dans la multitude de ses foules pour deviner l’avenir.
Mais Zinpké sait aussi raconter des histoires extraordinaires dans ses installations, fluides, mouvantes, translucides où les couleurs franches ancrent ces pinasses qui fendent des brouillards du matin à la surface de l’eau. Zinkpé est bien né dans ce pays de terres mêlées et d’eaux à fleur de savanes où les alizés lui vont bien. Il est un grand enfant de cette lagune magique à la frontière d’un mystère qui le marquera pour toujours.
Zinkpé est béninois. C’est puissant. Tout est presque dit mais à cinquante ans, à peine, ce n’est pas une fin.
M.A. – Février 2021